Sommaire
Cette année, j’ai pris des vacances. De vraies vacances. Une déconnexion totale de dix jours : aucun écran, pas d’ordinateur, pas de connexion à Internet, rien, je n’ai même pas pris mon téléphone. Juste un stylo et quelques feuilles volantes pour noter mes idées, au cas où… C’est un peu drastique comme méthode, je l’avoue, mais j’avais envie de vivre l’expérience de la déconnexion. Et pour être tout à fait franc, je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait plus tôt !
Sans mon téléphone pendant 10 jours
Alors voilà, pour ne rien vous cacher les premiers jours ont été difficiles. Peut-être que « difficile » n’est pas le terme le plus approprié, mais en tout cas je me sentais étrange. Comme s’il me manquait quelque chose. Vous connaissez sûrement cette sensation où, alors que vous êtes dans le métro le matin, vous vous rendez compte que vous avez oublié votre téléphone portable. À ce moment, vous vous êtes probablement dit : « Mince ! J’ai oublié mon portable… la journée va être longue ! ». Et bien voilà, c’est un peu ce sentiment que j’avais, mais pour les dix jours à venir.
Au début donc, je me sentais vide, coupé du monde, comme face à un trou béant. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire pendant les jours à venir ? Et si quelque chose se passait au travail, comment ne pas être présent pour les aider ? En cas d’urgence, comment pourraient-ils me prévenir ? Et tant d’autres questions qui m’ont lancées dans une sorte de tourmente déprimante. En somme, j’étais – pour la première fois depuis longtemps – face à mes pensées, sans aucune distraction. Je crois que c’était ça le plus inquiétant. Nous sommes tellement habitués à être distraits, que de se savoir seul.e en compagnie de ses pensées, sans moyen de distraction, c’est un peu comme nager au milieu de l’océan. Angoissant.
Mais les jours sont passés, l’inquiétude aussi. J’ai commencé à me sentir plus calme, plus paisible. C’est alors que quelque chose d’inimaginable s’est produit : j’ai oublié l’existence de mon téléphone ! Terminées les vibrations fantômes dans ma poche, fini de saisir mon téléphone de manière compulsive dans les moments de silence. Débarrassé de ces pulsions, j’ai pu profiter pleinement de la nature, l’observer, me sentir bien en elle. Par exemple, c’est peut être bête mais j’ai pris le temps d’observer les fourmis, le capharnaüm de leur allées et venues si bien organisé… chose que je n’avais pas fait depuis ma plus tendre enfance. J’ai assisté au lever du jour, j’ai contemplé les étoiles, j’ai écouté les cris des animaux dans la nuit, j’ai ressenti l’air humide de l’océan. En bref, j’ai ressenti la vie, pleinement.
Du coup, je reviens super motivé et chargé à bloc. Il faut dire aussi que ne pas utiliser mon téléphone, et donc ne pas m’exposer aux lumières bleues, m’a permis de mieux dormir. Avoir pris le temps de la réflexion, de me poser avec mes pensées et de dormir d’un sommeil profond a eu un effet vraiment positif sur mon état d’esprit. J’ai des idées nouvelles, j’ai pu réfléchir et forger mon esprit critique, et surtout, j’ai envie de croquer le monde. Ce qui m’amène à me demander pourquoi ne l’ai-je pas fait plus tôt et pourquoi est-ce que je ne prends pas plus souvent ce luxe de me déconnecter pour de vrai.
« Des millions d’heures sont juste volées à la vie des gens »
Tristan Harris
Nos vies ultra connectées
Si nous sommes si connectés et dépendants de nos téléphones, c’est en grande partie parce que les pontes des technologies et des applications le veulent. C’est en effet leur voeu le plus cher et pour cela ils font même appel à des professionnels du domaine de la psychologie pour mieux nous manipuler. On parle alors de l’économie de l’attention, soit une économie dans laquelle vous êtes le produit et où plus vous êtes attentif, plus vous valez de l’or. C’est ainsi que pour Tristan Harris, ex Philosophe Produit chez Google «des millions d’heures sont juste volées à la vie des gens ».
Cette attention que vous accordez à votre téléphone est, par conséquent, celle que vous n’accordez plus à ce qui vous entoure. D’ailleurs, selon une étude de Deloitte, un français regarde son téléphone plus de 25 fois par jour… je ne sais pas pour vous, mais avec du recul je pense que j’étais même au dessus de ce chiffre. En fait, je m’en suis vraiment rendu compte alors que j’étais dénué de téléphone : partout, tout autour de moi, plus de trois quart des gens qui m’entouraient avaient les yeux rivés sur leur téléphone.
Loin de moi l’idée de dire qu’il faille se déconnecter à 100% de votre téléphone ou des réseaux sociaux. Ce serait paradoxal et hypocrite sachant que je les utilise moi même pour faire la publicité de mon blog. Néanmoins, il faut les utiliser avec parcimonie, quand vous le décidez vraiment et pas quand vous vous laissez manipuler par vos impulsions. Pour vous aider dans cette démarche, je vous avais déjà parlé du fait de couper les notifications, entre autres. Center For Humane Technology, l’organisation de Tristan Harris, va un peu plus loin en apportant davantage de conseils.
10 conseils du Center For Humane Technology
#1
Désactiver toutes les notifications sauf celles provenant de personnes
#2
Activer le niveau de gris sur votre écran
#3
Essayer de ne garder que les outils indispensables sur votre écran d’accueil
#4
Lancer les autres applications en les écrivant dans la barre de recherche
#5
Charger votre appareil à l’extérieur de la chambre
#6
Utiliser un vrai réveil plutôt que votre téléphone
#7
Supprimer les médias sociaux de votre téléphone
#8
Envoyer des notes audio ou appeler au lieu d’écrire des textos
#9
Raccourci texto: utiliser des réactions rapides
#10
Télécharger des applications et des extensions qui vous aident à vivre sans distraction, telles que :
- Flux : Désactive la lumière bleue de votre écran
- InboxWhenReady : N’affiche vos nouveaux emails que lorsque vous choisissez de les consulter
- Thrive : Transforme votre smartphone en dumbphone sur une période pré-définie
- Freedom : Désactive temporairement des sites Internet ou applications sur une période pré-définie
- Moment : Vous indique le temps que vous avez passé sur votre téléphone
- Et bien d’autres à découvrir sur le site de l’organisation, ici : http://humanetech.com/take-control/
En route vers la (re)connexion aux autres ?
Ce sentiment d’aliénation à nos téléphones n’est pas nouveau. En 2013 déjà, la presse parlait de ces gens qui avaient envie de jeter leur smartphone. Avec l’apparition des réseaux sociaux, on peut dire qu’après les relations toxiques arrivèrent les pulsions toxiques. En effet, les réseaux sociaux nous rendent malades et déprimés. Pourtant, pour reprendre la formule de James Williams, « Sur son lit de mort, personne ne se dit : « J’aurais aimé passer plus de temps sur Facebook ».
Il semblerait donc bel et bien qu’un semblant de prise de conscience émerge et que les gens se déconnectent de plus en plus de leur téléphone et des réseaux sociaux. Pour aller plus loin dans la déconnexion, ou plutôt pour rester connecté.e.s tout en étant déconnecté.e.s, certaines personnes se procurent des « dumbphone ». Les dumbphone sont à l’opposé des smartphone, autrement dit les téléphones bêtes… comme le bon vieux 3310 de Nokia par exemple. Dans le même ordre d’idée, un peu plus soft, de très nombreux utilisateurs déclarent faire des pauses notamment de Facebook.
Enfin, de plus en plus de professionnels du numérique se mobilisent pour une évolution des modes de développement des applications et pour un changement des moeurs quant à l’utilisation de nos téléphones. Ils aspirent en effet à passer de l’économie de l’attention vers ce que l’on appelle un design éthique. En d’autres termes, ce serait reprendre notre liberté de choix et faire fonctionner la technologie pour nous servir plutôt que pour nous aliéner. Pour Tristan Harris, la réponse à l’addiction n’est pas l’abstinence mais le fait de connecter les gens entre eux. Dans un futur proche donc, il n’est pas exclu que nos applications nous permettent de nous connecter davantage, physiquement. Se déconnecter pour mieux se connecter, donc.
Quand j’étais enfant, tout m’émerveillait. Je pouvais passer des heures à regarder les fourmis. J’étais aussi beaucoup plus proches de mes amis, nous nous retrouvions dans un parc ou ailleurs et y allions sans savoir si les autres y étaient. C’était un peu le hasard, même si nous savions que nous nous y retrouverions tôt ou tard. Ou plus simplement, nous allions frapper à la porte de nos amis, sans savoir s’ils étaient chez eux. Tout cela a changé. J’ai bien conscience qu’il faut vivre avec son temps, et il est indéniable que le téléphone portable me rend de grand service au quotidien. Néanmoins, cette déconnexion complète m’a vraiment été bénéfique et je pense renouveler l’expérience plus souvent. J’imagine ne pas être le seul et j’espère que cette publication vous aura permis de prendre un peu de distance. Un bon conseil, à la fin de la lecture, posez votre téléphone quelques minutes et prenez le temps de regarder autour de vous… vous ne le regretterez pas !
Amitiés,
Romain
—
Photo by ROBIN WORRALL on Unsplash
Sources :
Science-et-vie.com : Lumière bleue des écrans : une étude explique ses méfaits et tire la sonnette d’alarme
Nouvelobs.com : Tristan Harris : « Des millions d’heures sont juste volées à la vie des gens »
Deloitte : Les Français et le smartphone en 2016 : une relation fusionnelle
Center For Humane Technology : http://humanetech.com
Nouvelobs.com : Snobisme ou salut : j’ai envie de balancer mon smartphone
Theconversation.com : Mobile-déprime et e-anxiété, quand les réseaux sociaux nous rendent malades
Usbeketrica.com : « Sur son lit de mort, personne ne se dit : « J’aurais aimé passer plus de temps sur Facebook » »
Independent.co.uk : ‘Dumbphone’ sales rise as people seek to disconnect and be more mindful
Siecledigital.fr : Facebook : de plus en plus d’utilisateurs font des pauses
Usbeketrica.com : Le design numérique peut-il être responsable et social ?