Autant le dire tout de suite, j’étais vraiment nerveux, anxieux… j’avais passé des années à imaginer ce moment et des semaines à tout préparer. Le jour était arrivé, j’en étais sûr. Enfin, en est-on jamais vraiment sûr ? Pas sûr. Quoi qu’il en soit, j’étais décidé, j’allais bel et bien lui faire ma demande en mariage.

Lui faire croire que tout va bien

Elle m’annonce le mercredi qu’elle doit sortir avec ses amies le vendredi soir pour fêter la fin des examens. Cool ! Tous mes plans tombent à l’eau car j’avais prévu de lui proposer la chose le vendredi, justement. Vraiment, j’étais dégouté parce que ça dérangeait tous les plans que j’avais mis des semaines à préparer. Mais quand on aime, on ne compte pas… n’est ce pas ?

Alors j’ai passé le restant de la semaine à tout réorganiser pour que ça se passe le samedi. Malheureusement pour elle, dans mon plan, la règle numéro une c’était qu’elle soit seule à la maison pour commencer un petit jeu de piste. Donc le vendredi soir, j’ai dormi chez ma mère. Le samedi, je ne lui ai donné signe de vie qu’à midi. Je voulais lui manquer, je voulais qu’elle soit triste que je ne sois pas là et je voulais qu’elle soit énervée. Ça n’a pas loupé.

La laisser s’impatienter

En début d’après midi, nous échangions des messages. Elle me disait qu’elle était dégoutée qu’on ne mange pas ensemble, qu’elle avait envie de ne rien faire et qu’elle était restée au lit toute la journée. Aux alentours de 15h, alors qu’elle m’écrit qu’elle est furieuse contre moi de l’avoir laissée toute seule, je l’appelle enfin. Elle avait assez marinée.

L’appel a été très bref. Je lui ai demandé de me rendre un service et de regarder dans le livre qu’elle m’avait offert pour mon anniversaire. Elle l’a fait en soupirant bien bruyamment pour bien me montrer qu’elle était soulée. J’ai ri, je m’y attendais.

En feuilletant le livre, elle a trouvé une lettre à son attention. La première ligne de cette lettre disait « Je suppose que tu es très fâchée contre moi » et elle m’a dit : « je lis fâchée, et oui c’est tout à fait ça ! ». Mais j’ai senti dans le ton de sa voix que sa fâcherie n’était plus vraiment crédible. Cette lettre était courte, une invitation à découvrir un cadeau, sous le lit. Nous avons raccroché.

La surprendre

Ce cadeau, c’était un livre, un recueil de tous mes textes que mon amie Mandy avait imprimé et relié pour me l’offrir à mon anniversaire il y a des années. J’en avais parlé avec Carolina il y a 3 ans au début de notre rencontre pour lui dire que ma mère était tombée dessus et que j’étais triste parce qu’elle y avait découvert des textes qui l’avait fait pleurer. Carolina m’avait demandé à le lire et je lui avais répondu : « Personne n’est censé lire ce livre, c’est trop intime. Donc si tu le lis, sois je te tue, sois je t’épouse. » On était resté là dessus et on n’en avait jamais reparlé mais je savais qu’elle s’en souvenait parce qu’elle y avait fait une allusion un jour. J’espérais que le cadeau ferait mouche… elle m’avouera en fin de soirée qu’elle avait été très touchée en effet.

«Si tu le lis, sois je te tue, sois je t’épouse… »

Moi

Enfin, revenons à l’histoire. Il est donc 15h et des brouettes quand elle découvre ce livre, emballé et accompagné d’une lettre d’amour dans laquelle je lui disais que je passerais la récupérer 4 heures plus tard.

La retrouver en bas de chez nous

À 19h, je l’attends en bas de chez nous, sapé comme jamais, dans une berline noire aux vitres tintées (un uber quoi). Quand elle sort de l’immeuble, je sors pour lui ouvrir la porte. Elle monte et nous partons pour 40 minutes de route. Elle me raconte sa journée, je noies un peu le poisson pour qu’elle n’ait pas de soupçons. Pour elle, c’était juste une soirée en amoureux.

Le chauffeur nous dépose avenue de la Motte Piquêt, devant le Primerose : le bar où nous nous sommes rencontrés la toute première fois. Elle est agréablement surprise, je peux le voir à son sourire. Sa surprise redouble autant que son sourire quand le serveur nous dirige vers la table à laquelle nous étions assis le jour de cette rencontre.

Nous nous installons, nous commandons un verre de vin, de quoi grignoter, nous discutons, nous rigolons. Bonne ambiance. En réponse à un souhait qu’elle avait évoqué de vivre dans un pays anglophone quelques mois pour parfaire son anglais, je lui propose qu’on parte s’installer à NYC en septembre. Elle est en kiffe, elle accepte. Première proposition acceptée, première victoire (j’ai déjà tout réglé, le taff, le visa, le salaire, donc oui, nous partons en septembre). À la base, mon plan était de faire ma demande dans ce bar. Je trouvais le concept important de lui faire ma demande à l’endroit précis où nous nous étions rencontrés. Mais je ne sais pas, je sentais que le moment n’était pas encore venu. Nous n’avions qu’une heure, le bar était bruyant,il n’y avait pas beaucoup de place… j’ai préféré attendre.

Lui proposer de prendre l’air

Une heure après être entrés, nous ressortons. J’avais réservé une table dans un petit restaurant italien à 15 minutes à pied de là où nous étions. Il ne faisait pas trop froid, il ne pleuvait pas, une petite marche dans la nuit parisienne me paraissait de bonne augure . Nous déambulons donc le long de l’avenue de la Motte Piquet et je me demande, un peu inquiet, où et quand j’allais pouvoir faire ma demande. Pendant que nous marchions, une fois arrivé au restaurant, en sortant du restaurant, une fois de retour à la maison … ?

L’avenue de la Motte Piquet est coupée en son centre par la place Joffre, juste derrière le champs de mars. Sur cette place, il y a le célèbre mur pour la paix, dont les murs de verre sont inscrit du mot « paix » dans toutes les langues du monde, ainsi qu’une vue imprenable sur la Tour Eiffel. Alors que nous approchions de l’édifice, nous parlions du livre. C’était là mon occasion, l’instant qu’il fallait saisir, j’en étais sûr.

Se lancer !

J’oriente donc la discussion et nos pas vers là où je voulais en venir. Nous nous rapprochons du mur de la paix et je lui demande si elle se souvient de ce qu’on s’était dit la toute première fois que nous avions parlé du livre. Elle s’en souvient.

Alors, je lui demande l’air détendu « et donc, tu veux être ma femme ? ».

Elle doute : « Ah ! tu n’es jamais sérieux ! ».

Je sors la bague de ma poche et lui demande si j’ai l’air plus sérieux. Elle commence à comprendre.

Je fais un pas en arrière et, dans le même mouvement, pose mon genoux au sol.

Elle comprend.

Je reformule ma question :

Carolina, quieres ser mi mujer ?

Elle pleure.

Au moment où elle me répond « si, quiero ser tu mujer », je me relève pour lui passer la bague au doigt. Et là, magie de l’histoire, signe du destin, clin d’oeil de Dieu, ou appelle ça comme tu veux, la tour eiffel se met à scintiller.

Oui, je sais, c’est la GRANDE classe. Et bien sûr, je lui ai laissé croire que ça faisait parti de mon plan. Surtout, ne lui dîtes rien.

Romain Maltrud

Entrepreneur, DAF à temps partagé et auteur de la newsletter "okr, bifton &liberté"