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Il brillait sur la scène. Entouré d'autres personnes guindées dans leurs costumes et cravates, lui portait une légère veste en lin et je pouvais percevoir un sourire calme sur son visage. Muhammad Yunus est un homme inspirant, à la force tranquille.
Il s’est fait connaître pour avoir inventé le micro crédit. C’est à dire un crédit que l’on alloue aux personnes les plus démunies, alors que les banques traditionnelles ne leur ouvrent même pas leurs portes. Ce sont des crédits minuscules, qui permettent souvent à des familles de lancer un projet d’entrepreneuriat.
On parle bien sûr ici de personnes vivant dans des pays où la pauvreté est la plus extrême, en l’occurrence le Bangladesh d’où est originaire Muhammad Yunus. Pour vous donner un ordre de grandeur, ces crédits peuvent parfois servir à acheter des graines de légumes… pour les faire pousser puis les revendre, et ainsi bénéficier d’une source de revenus plus importante.
Un crédit pour acheter des graines de légumes. J’ai été marqué par cet exemple qui montre à quel point la pauvreté peut être sévère ailleurs sur le globe. Là où les gens meurent de faim, faute d’avoir les moyens de subvenir à leurs besoins les plus primaires. Je me rends compte que « Donnons-Nous Les Moyens » serait une injonction bien dérisoire là bas.
Enfin, c’est là que commence l’histoire de cet incroyable homme de paix qui a accepté de nous raconter sa vie, son parcours, les difficultés qu’il a rencontrées et les doutes qui l’ont habités. Je me permets ici de vous faire un compte rendu succinct de l’essentiel du message qu’il a partagé avec nous et vous invite à lire ses ouvrages (si vous en avez la possibilité, achetez les chez votre libraire plutôt que sur Amazon… faisons vivre les commerces de proximité ! 📚✊ )
Besoin de sens
Alors qu’il était professeur dans les années 70, Muhammad Yunus se rendait bien compte que quelque chose n’allait pas dans son pays. En dépit du magnifique campus universitaire dans lequel il enseignait, à quelques pas à peine de l’entrée, les gens mourraient de faim dans la rue. Pas à cause d’une quelconque maladie, mais simplement parce qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour manger tous les jours.
Il s’est alors rendu compte qu’il enseignait de « jolies théories » à ses jeunes étudiants, mais qu’en réalité ses enseignements n’aidaient personnes. Cette prise de conscience marque un tournant dans sa vie. Pourquoi continuer à enseigner des choses dans lesquelles il ne croit plus ? Il avait besoin de se trouver en tant que personne, de donner du sens à sa vie et à ses activités professionnelles.
Mais par où commencer quand les problèmes sont si immenses ? Il décide de passer du temps dans le village, de prendre le temps de discuter avec les gens, de connaître leurs problèmes ; avec l’humble intention d’aider au moins une seule personne. Jamais personne ne lui avait dit comment être utile, il devrait le découvrir par lui même. Alors chaque jour, il cherchait une personne à aider.
Petit à petit, le village est devenu « sa nouvelle université ». Les gens du village étaient ses professeurs, lui enseignant beaucoup sur leurs vies, sur ce qu’est la vie d’une personne pauvre dans un village sans ressources. Il a commencé à donner de l’argent aux gens qu’il croisait et qui en avaient besoin pour lancer de petits projets entrepreneuriaux. De toutes petites sommes d’argent, qu’il espérait récupérer. C’est alors qu’est née l’idée de construire une forme d’entrepreneuriat autour du prêt d’argent.
Il crée une banque avec ses étudiants. Une banque d’un genre nouveau, qui n’a pas pour vocation de faire du profit mais simplement d’aider les gens les plus démunis à créer des projets d’entreprise.
« Je me demandais comment je pourrais continuer… Les gens étaient si content de prendre mon argent ! »
Nous raconte Muhammad Yunus en riant
Déconstruire les modèles existants
Quand il rencontre des banquiers, il fait face à un mur. Aucun d’eux ne pense qu’une telle banque peut exister. Personne ne pensait qu’une banque pour les pauvres pouvait être viable et fournir à ses clients les services qu’il rêvait de leur fournir. Mais il l’a fait quand même.
Il nous raconte alors qu’il n’a jamais étudié la banque ni les systèmes bancaires. Pour lui, c’est une chance : « puisque je n’ai jamais appris, alors je peux faire comme je veux ! Il n’y a personne pour me crier dessus et me dire ce que je peux faire ou ce que je ne peux pas faire. » Quand vous ne savez pas, votre esprit est libre et vous pouvez prendre toutes les directions que vous voulez.
« Il y a ce quelque chose de bon dans le fait de ne pas savoir les choses, c’est que l’on peut les découvrir par soi même. »
Muhammad Yunus
Comme il n’avait pas de formation, il a regardé ce que faisaient les banques autour de lui… et il s’amuse à nous dire qu’il faisait précisément le contraire de ce qu’elles faisaient. Le principe le plus basic pour une banque : plus vous êtes riches, plus vous êtes un client intéressant. Il a fait l’inverse : plus vous êtes pauvre, plus vous êtes un.e client.e intéressant. Ou encore, dans les banques traditionnelles les clients doivent se rendre dans les bureaux pour discuter avec leurs conseillers. Dans sa banque, ce sont les conseillers qui se rendent chez les futurs client.e.s. Enfin, les banques traditionnelles avaient pour habitude de ne parler qu’avec des hommes… dans sa banque on s’adressait principalement aux femmes.
En bref, il a fait l’exact opposé de ce qui se faisait dans le secteur bancaire de son pays, en ajoutant : « Si vous faites ce qui se fait d’habitude, vous obtiendrez les résultats habituels« .
C’est ainsi que le micro crédit est né. Le format de banque pour les plus pauvres est devenu quelque chose de louable, qui a commencé à attirer l’attention des organisations mondiales. Ce sont ces organisations qui lui ont attribué le nom de « micro crédit ». De telles considérations étaient loin des pensées de ce prix Nobel. Lui voulait aider son prochain. Il l’a fait, à sa manière.
Une opportunité dans chaque problème, un espoir dans chaque difficulté
Pour Muhammad Yunus, peu importe le problème que vous avez à affronter, si vous le regardez dans son ensemble il semble trop gros. Si vous prenez tous les problèmes du monde, le travail à accomplir pour les régler paraît irréalisable. En revanche, si vous prenez un problème spécifique et que vous le décomposez en petits morceaux, ça devient possible. Par exemple, prenez un problème quelconque et tentez d’aider une seule personne, puis une deuxième, cinq, dix, cent, etc.
« Vous n’avez pas à résoudre le problème en entier, vous pouvez n’en résoudre qu’une partie »
Muhammad Yunus
Alors ce qu’il fait à chaque fois qu’il voit un problème, il crée un business pour résoudre le problème. Mais encore une fois, pas un business dans le but de faire du profit ; un business dans le but d’apporter une solution durable au problème. En fait, Muhammad Yunus fait clairement la différence entre la charité et l’entrepreneuriat social. Dans le premier cas, l’argent part pour résoudre un problème, mais il ne revient jamais. Dans le second cas en revanche, l’argent part pour résoudre un problème puis revient et permet de financer d’autres projets pour résoudre d’autres problèmes. C’est une approche intéressante, vous ne trouvez pas ?!
C’est ainsi que plus de 50 entreprises ont été crées par lui et ses équipes. Permettant de résoudre des problèmes comme les canalisations, l’absence de toilettes, et bien sûr le micro crédit… tout en créant des emplois ! Bien sûr, quand les entreprises n’ont pas pour vocation de faire du profit, alors tous les bénéfices peuvent être investis dans le développement !
Tous entrepreneurs ?
A jute titre, Muhammad Yunus nous rappelle que l’histoire humaine a toujours été de rendre l’impossible possible. Quand on y pense, c’est vraiment ce qui s’est passé… qui aurait cru il y a 300 ans que nous aurions la possibilité de voler par dessus les océans ? Aujourd’hui, nous avons la capacité de rendre l’impossible possible encore plus vite qu’avant, notamment grâce aux nouvelles technologies.
« Il reste encore beaucoup d’impossibles à rendre possibles ». Si nous l’assimilons et si nous dédions notre esprit à rendre ces impossibles possible, alors nous pourrons y arriver. Nous sommes plus de 8 milliards sur la planète, imaginez le potentiel de création de l’humanité ! Grâce aux nouvelles technologies, la présente génération est la plus puissante de toute l’histoire de l’humanité. Si nous voulons que quelque chose soit fait, qu’un problème soit résolu, alors nous pouvons le faire. Mais si nous ne croyons pas dans le pouvoir que nous avons à notre disposition, alors toute cette énergie sera perdue.
« Vous n’avez besoin d’attendre personne, aucune grande entreprise, aucun gouvernement… agissez ! »
Muhammad Yunus
Il nous faut désapprendre tout ce que nous avons appris à l’école. L’emploi est un concept artificiel car nous sommes tous des entrepreneurs naturels. Nos ancêtres ont appris à planter et à récolter le fruit de leur semences, ils ont appris à apprivoiser le bétails, à créer des bijoux. Le commerce et l’échange a toujours fait parti de notre ADN. Le système veut que nous soyons des salariés, mais en ce faisant les plus pauvres seront toujours au service des plus riches. C’est pourquoi Muhammad Yunus conseille de toujours remettre en question ce que nous avons appris, de toujours travailler notre esprit critique et… surtout… d’entreprendre ! En d’autre termes, si je ne m’abuse, il conseille à chacun de se donner les moyens !
« Don’t wait ! Please do act ! »
Muhammad Yunus
Amitiés,
Romain